Marc Virlogeux

Lors de la commémoration de la libération des camps de la mort, on a, fort justement, beaucoup parlé des victimes. Mais pas de ceux qui ont échappé, de justesse, aux rafles. Pour certains, pourtant, la vie a pareillement basculé…

Lorsqu’il franchit le lourd portail d’acier du lycée riomois qui, par son nom, honore ses parents, Marc Virlogeux entre dans un sanctuaire. Dans le hall, à proximité des plaques commémoratives, le passé, toujours insidieusement présent, resurgit plus vivement dans l’esprit du jeune garçon de onze ans. Car soixante deux années sont tout à coup abolies, comme par un coup de baguette tragique. C’est le choc, l’éclatement de la cellule familiale « ramassée » le 8 février 1944 lors d’un grand coup de filet de la gestapo, suite à dénonciation. Dès le lendemain, son père se donne la mort dans sa cellule. Il a résisté à la torture physique mais sait ne pouvoir résister à la torture morale que vont lui infliger ses bourreaux : pour le faire parler, ils veulent lui offrir en spectacle le supplice de ses propres enfants.

Son frère aîné et sa mère ont été déportés. Marc Virlogeux s’interroge encore aujourd’hui. Par quel hasard a-t-il échappé aux griffes des bourreaux ? Gardé dans le poste de police de la caserne, il en est sorti sur ordre d’un sous-officier qui ne voyait peut-être pas ce que faisait-là ce jeune garçon.

Le conflit terminé, le drame ne l’était pas pour autant. D’autres pages, ô combien douloureuses, restaient à écrire.

Après son arrestation, Mathieu Georges(1) indiqua l'endroit où avait été enterré le corps de Pierre Virlogeux : dans la cour, devant les cellules de la caserne(2). Instant d’intense émotion pour le narrateur dont la voix devient presque inaudible lorsqu’il évoque l’exhumation : « les jambes brisées attestent des violences déjà subies… ». Si son frère a été heureusement libéré en août 1945 par les Américains, de sa maman il n’a aucune piste crédible. « Ceux qui la connaissaient disaient ne rien savoir, ceux qui ne la connaissaient pas prétendaient détenir des informations… ». L’émotion monte encore d’un degré lorsque Marc Virlogeux évoque cet épisode obscur(3). Une incertitude qui n’a jamais cessé de le tarauder.

Nouveau moment de silence. Avec la paix des peuples, la paix du cœur serait-elle enfin possible ?

M.P. (in : www.notredamedessources.com)

(1) maquisard arrêté par la Gestapo, se met à son service, fait arrêter de nombreux résistants ; arrêté lui-même et condamné à mort à la libération, il est exécuté le 12 décembre 1944.

(2) devenue le Lycée Claude et Pierre Virlogeux.

(3) Marc Virlogeux n’est pas convaincu de la version selon laquelle sa mère serait décédée d’une pleurésie le 11 novembre 1944, à l’infirmerie du camp de Ravensbrück.

Note : S'il est difficile de comprendre cette dernière note - les informations sur le décès de Claude Rodier-Virlogeux ayant été rapportées par Geneviève Antonioz- de Gaulle qui ramena également sa paire de lunettes à ses parents, force nous est de constater que les tentatives de prise de contact avec l'Amicale de Ravensbrücke, se sont soldées par des échecs.